Exposition de groupe
Cinq jeunes artistes investissent la galerie RTR dès le 10 décembre pour un subtil dialogue. En plein préparatif des fêtes de fin d'année, à l’heure où le bonheur et l’euphorie nous sont vendus par les médias, RTR propose une exposition de Noël loin des marchés traditionnels offrant des savons parfumés, des tire-bouchons high-tech et des bonnets péruviens. La fièvre acheteuse, l’ivresse des grands magasins, la frénésie consommatrice cesse un temps au profit d’une réflexion sur la part d'étrange de Noël. Les artistes de RTR ont fait le choix d’une remise en cause de l’insouciance enjouée, imposée à tous un soir dans l’année. Souvenons nous que la veillée de Noël fut jadis et surtout un moment de recueillement, une méditation qui permettait de rentrer dans l’hiver, d’enterrer symboliquement l’année passée, et attendre la naissance de ce qui allait suivre. Qu’en reste t-il aujourd’hui ?
Aux antipodes du kitch et du clinquant, Anastasia Bolchakova propose une idée de Noël viscéral, invoquant un esprit de méditation. Un noël dépouillé de ses apparats traditionnels qui, comme un murmure, nous rappelle à l’étrange, nous touche dans la chair… Les chaussettes à cadeaux, écorchées vives, la prière enfermée en boîte, ou le Père Noël désinhibé s’emparent de votre âme.
Marcin Sobolev, fidèle à son propos engagé, a créé des maisons d’oiseaux faussement mièvres. Avec des pompons colorés en guise de fondations, elles ont l’apparence de jouets, mais le propos de l’artiste est tout autre : « A l'abri de toute zone industrielle, les blocs ouvriers poussent comme des champignons... Mon travail est issu de l'énergie que dégage la beauté cachée contenue derrière ces façades en béton... une porte ouverte sur la convivialité de ces lieux appréhendés comme hostiles. » Marcin Sobolev, avec ses maisonnettes, tend chaleureusement le bras vers la réconciliation générale.
Impossible d’imaginer la célébration (surtout du Nouvel An, largement fêtée et arrosée en Russie) sans une « real party », où la sexualité païenne se mélange à la crainte de l’arrivée de fin du monde. Les désirs débridés et les peurs transférées se traduisent différement, selon les artistes de RTR. Pour Margo Ovcharenko, c’est la complicité malicieuse du réveillon ou la rêverie des lendemains de fête.
Pour Alexander Dashevsky, c'est le moment idéal pour faire un bilan cynique. Les « Papillons » - une collection de petits nœuds pris sur la lingerie féminine - est le récit d’un homme qui a adopté un regard quantitatif sur le monde. Sa vie s'est transformée en chasse aux grades, aux classements, aux niveaux. Sa mémoire n'est plus qu'un stockage de chiffres. L'unique chose qui l’intéresse chez l'autre est son numéro de placement qu'il va lui attribuer dans sa collection. Sans s’ouvrir à personne, sans communiquer. Ce qui lui reste est une contemplation silencieuse de sa collection, à laquelle il nous convie tristement.
Natalia Taravkova, pour éclairer la fête, nous lance un pop-virus. Sa boule à facettes, accessoire incontournable des soirées disco, dont les thèmes favoris restent le sexe, la vie et la nuit, se hérisse de plusieurs épines. Cet objet lumineux nous attire et crée une ambiance particulière, voire menaçante, reflétant avec ses dizaines de petits miroirs la fameuse maxime « Sex, drugs and rock 'n' roll », autre facette du caractère libre de la culture pop. Clin d'oeil conscient aux années 1980, quand l'épidémie du SIDA chassait les paillettes et le discours des musiciens devenait plus politique.
Enfin, Dmitry Sokolenko reconsidère l’échange frénétique des cartes de voeux en occasion rêvée pour un acte artistique. Passionné de football, l'artiste envoie un carton jaune suivi d'un carton rouge, sans indication d’expéditeur : un tir ciblé sur la ligne de conduite ! En prévision des bonnes résolutions...
Une remise au point pas comme les autres à la galerie RTR. Encore une fois.