Pour sa cinquième exposition à la galerie RTR, Oleg Dou présente une toute nouvelle série « Cubs » (en anglais, « bébés animaux »). Pour la première fois, Oleg Dou abandonne le format carré et les plans serrés cadrés sur les visages, reculant d’un pas et prenant ses modèles de trois-quarts. Oleg Dou confie avoir été inspiré, tout d’abord, par une curieuse tradition pratiquée au XIXème siècle : le portrait mortuaire d’enfant. La prise de vue du sujet nécessitait une longue et minutieuse préparation. Le costume était particulièrement sophistiqué et chaque détail était soigné, de la position des mains à la moindre mèche de cheveux. Le petit corps fragile, sans vie, préparé pour l’au-delà, était alors immortalisé en nature morte.
Par ailleurs - cette fois dans le domaine du vécu - l’artiste évoque un douloureux souvenir de son enfance quand, pour les fêtes, on l’obligeait à se déguiser. Les enfants étaient alors contraints de revêtir les costumes que les adultes avaient mis tant de temps à bricoler. Dans son beau costume de lapin blanc, le petit Oleg humilié se mettait à pleurer et ses larmes redoublaient lorsqu’il fallait sourire à la caméra. « J’avais beaucoup de mal à faire semblant d’être heureux devant l’appareil, j’avais horreur d’être photographié. Ce que l’image reflétait au final c’était ma gêne, ma contrariété. Et c’est encore souvent le cas aujourd’hui. J’essaie de recréer l’expression de ce malaise dans mes portraits, seulement, à présent c’est moi qui la provoque. Aussi pour la série « Cubs » tous les costumes ont été réalisés sur mesure par mère, à partir de mes croquis. »
Le travail de Dou s’enracine profondément dans notre culture occidentale, en cela qu’il en stigmatise la tradition du portrait avec un esprit contemporain, celui de notre nouvelle condition humaine. Oleg Dou capture les visages et orchestre leur mutation, les « opèrent ». Les personnages apparaissent silencieusement murés dans leur propre univers. Et pourtant, uniques spécimens de leur espèce, ces êtres semblent crier leur détresse, nous mettant face à face au témoignage irréversible d’un réel qui nous aurait échappé. L’artiste livre ses petits témoins en pâture au visiteur. « Cubs » n’est certainement pas un travail sur l’animalité de l’homme dans sa dimension bestiale et sauvage. Au contraire, ce sont même les attributs du monde animal qui font des personnages d’Oleg Dou des surhommes. Ainsi, Fawn ou encore Monkey s’élèvent comme de curieuses icônes, mêlant l’irréel à une nouvelle forme de mythologie.