La galerie RTR présente l’exposition personnelle du photographe russe Igor MOUKHIN, un de plus importants photographes russes, intitulée « My Moscow ». 35 images en noir et blanc retracent sa vision de sa ville natale depuis les années 90s à aujourd’hui. En première européenne, le livre « My Moscow », paru chez Schilt publishing sera également présenté, lors du vernissage le 12 mars, en présence de l’artiste.
La photographie en Russie post-soviétique, exactement comme ses citoyens, a dû se réinventer et trouver sa voie sous une constante pression. La tâche n’était, et n'est, toujours pas facile : comment trouver l'équilibre entre l’emprise du marché et ses contraintes financières et la recherche de la vérité, de la sincérité, si ancrée dans sa propre nature ?
Igor Moukhin, comme beaucoup d’autres, faisait partie d’un club d’amateurs de photographie, un de ces rendez-vous de passionnés comme il y en avait des milliers à l'époque en l'URSS. Pendant des années, avec des appareils bon marché, des labos à la maison et beaucoup de passion, les gens se rassemblaient pour faire des clichés, discuter et partager leur amour de la photographie, dans l'ignorance quasi totale de ce qui se faisait ailleurs. C'est avec cet amour-là qu'ils capturaient la vie, la famille, les amis. La barrière immédiate qui se dresse entre le sujet et le photographe, surtout en Russie où on se méfie des ‘étrangers’ qui interviennent, qui vous harcèlent pour une image, s’effaçait dans le cas du photographe amateur. C'est cette attitude, cet amour, cette proximité du photographe avec ceux qu'il photographie que Moukhin a réussi à préserver en devenant photographe professionnel.
En regardant ses images, on sent qu'il fait partie de ces gens, qu’il vit ce qu’ils vivent et qu'il nous le transmet, avec ce regard tantôt tendre, tantôt moqueur du témoin actif, engagé et jamais indifférent.
Igor Moukhin est le témoin le plus acclamé de la période de la Pérestroika. Cette période où l'espoir était permis, où tout semblait possible et où les valeurs communistes se mélangeaient avec la nature russe profonde et les paillettes du capitalisme, maladroitement.
Mais après l'espoir est venu la réalité dure du régime postsoviétique, dans les rues l’humeur change, se densifie, devient, comme l'eau des tuyaux, noirâtre : la haine, les tensions, les ressorts des corps dénudés, l’absurdité de l’existence moscovite apparaissent sur les clichés, pour y rester.
« My Moscow », - le titre de l'exposition veut dire beaucoup tout en disant peu. Il signifie, je suis né à Moscou, j'y ai survécu alors je peux tout me permettre. Car Moscou n'est pas une ville comme les autres villes russes, C'est une ville dans la ville, peuplée en minorité par des moscovites et par des millions d'autres venus d’ailleurs, par vagues. Ces vagues humaines coulent, se déploient, débordent, et emportent avec elles l'individu comme l'histoire. La mer des gens pressés, soucieux, fatigués absorbe tous les jours les nouvelles victimes de son indifférence et de son uniformité. Mais la foule chez Igor Moukhin, selon les conditions météo-politiques prends différents visages : anonyme et neutre, comme un flot qui coule sur les trottoirs fraichement lavés ; en colère et engagée, dans les manifestations contre ou pour les dirigeants ; ivre et sans limites, sous l’emprise de la fête, souvent alcoolisée.
Comme s’il faisait un très long film sur Moscou, un film d’une longueur de plusieurs décennie, la manière de photographier d’Igor Moukhin fait penser au cinéma. Chaque image, chaque moment de cette longue pellicule– qu'il soit décisif, discret ou voyant, raconte tout à la fois un moment d’une vie humaine, celle d'un proche, d'un ami et celui d’une époque dure - celle du changement sans espoir…