« Pour photographier les gens, il faut les aimer »
Antanas Sutkus
On a tous besoin d’amour.
Aujourd’hui, plus que jamais, l’image photographique est cet outil dont on s’arme en quête d’amour. On clique, on like, on partage, on utilise ce mot ‘aimer’, en le distribuant, en le fractionnant sans compter. Avec un seul but : être aimé en retour.
On se veut maître de la situation, mais on se piège dans l’absurdité de cette course folle de consommation rapide. Frustrés, vidés, perdus, on a besoin d’une source vraie, pure, désintéressée.
Antanas Sutkus (né en 1939) captait l’’amour à la fois en tant qu’homme, humaniste, photographe, patriote. Son pays natal, sa Lituanie et son peuple fier et résistant à l’invasion soviétique, lui ont inspiré tant d’amour, que chaque image le respire, l’irradie…En donne.
A cette époque où toutes les images produites sur le territoire d’URSS étaient celles de la propagande, directe ou indirecte, où les photographes s’autocensuraient, toute parole visuelle honnête était un exploit, un acte courageux.
Et plus l’image était photographiquement et humainement vraie et juste, libre de toute contrainte politique, d’arrière pensée, de soumission à la pression du pouvoir… Plus le message d’amour était fort.
Les photos d’Antanas Sutkus, non posées, non mises en scène, sont des portraits de gens concrets, de connaissances de l’artiste ou d’inconnus, rencontrés dans la rue, mais elles sont aussi avant tout des symboles intemporels. Et souvent, dans les pays différents, les gens se reconnaissent en petits enfants sur les images (comme sur la fameuse « La main de la mère » de 1964), tant Sutkus a su saisir les sentiments les plus beaux, les plus simples et les plus profonds.
Né et élevé à la campagne, Antanas Sutkus photographie les villages et leurs habitants avec une telle tendresse, justesse et poésie, que ses personnages nous semblent familiers, comme cette tante Agata qui fonce sur l’objectif, ou ce garçon insouciant sur une barre, par ailleurs première photographie du jeune Sutkus.
La vie en ville, où Sutkus a déménagé pour ses études universitaires en 1959, est plus fugace, tendue, dense, rapide. La ville se laisse photographiée différemment. L’artiste y trouve son propre rythme géométrique des paysages vus du ciel, ou des gens pressés, soucieux, concentrés. Sutkus sait révéler leur moi caché, fondamental. Photographiés de face, de dos, en ombre sous la pluie – les personnages de Sutkus ne peuvent pas se cacher de son œil intuitif, de son regard qui saisit l’essentiel chez l’être humain.
Antanas Sutkus disposait de 2 outils dans son art : un appareil photo et un cœur dont les battements se mêlent aux nôtres, déclenchant une réaction en chaîne : celle de l’amour désintéressé qu’on cherche tant …