La galerie RTR présente les « Inédites » d’Antanas Sutkus, des photographies peu vues ou jamais publiées, découvertes cette année dans ses archives composées de 500 000 négatifs.
Il y a deux ans, Antanas Sutkus, le photographe lituanien de 75 ans, connu et reconnu dans le monde de la photographie internationale, décide de ranger ses archives…. Il y redécouvre de nombreux négatifs de la fin des années 50 à la fin des années 70 qui n'avaient jamais été tirés sur papier.
Le photographe plonge alors dans ses trésors qui couvrent une des périodes les plus importantes de son oeuvre, et, aidé par la galerie RTR, en ressort 35 « nouvelles » images, "inédites" que Sutkus lui-même n’avait jamais vues…
Tirages vintages retrouvés dans son studio, tirages d'époque et retirages contemporains, la galerie RTR propose ainsi en avant-première mondiale une sélection de 35 photographies « Inédites » d'un des photographes les plus importants du XXeme siècle.
« J’ai commencé à prendre des photos à l’âge de 13 ans. Quand j’ai mis le papier dans le révélateur pour la première fois, j’ai vu un visage apparaître et je me suis senti Dieu», raconte Antanas Sutkus. En ressortant ces images du fond de ses classeurs, le photographe ramène une nouvelle fois à la vie ses sujets qu'il a tant aimés et photographiés.
"Le but de l’art est presque divin : ressusciter, s’il fait de l’histoire ; créer, s’il fait de la poésie" dit Victor Hugo. Dans les images d’Antanas Sutkus, l’histoire et la poésie se fondent en un seul et même tableau. Sutkus retrace avec un non-conformisme inhabituel, et dangereux à l’époque, la vie de son peuple. C’est toujours avec un regard honnête et franc, tendre et amoureux, à l'opposé des habitudes de la photographie soviétique formatée et censurée qu'il immortalise ses sujets préférés : les citadins, les paysans, les enfants, les vieillards, les jolies femmes en un mot les humains et non pas les idoles, les archétypes.
L’exposition « Les Inédites », comporte des images dans le style purement Sutkusien: des enfants pleins de malice et de complicité, des couples tendres, des paysans fiers d’être lituaniens, mais aussi des images plus inhabituelles, singulières comme « Le mendiant » de 1961 qui nous renvoie vers les canons de la peinture russe des années 1870 et la photographie picturaliste, mais, dans le cas de Sutkus, avec une palette plus sombre, plus intense, radicalement dense et quasiment charnelle .
« Les enfants » de 1964, un très beau tirage vintage, nous livre une photo dont le sujet est habituel pour Sutkus, mais avec un cadrage surprenant, osé dont l'effet provoqué est une sensation immédiate, forte, de bonheur et d'insouciance.
Dans « La baignade » de 1978, les enfants aux dos mouillés tremblent de froid ou d'excitation. Cette image s’inscrit dans l’imagerie traditionnelle de Sutkus, mais, par son traitement flou, par sa composition simple et l'absence volontaire des visages des garçons elle s'en démarque pour en montrer un autre regard et en cela est une découverte fabuleuse.
« La fillette » de 1977 est également une image magique. Elle crée comme une confusion de perception : on croit que, comme dans une bénédiction, ce sont les manches des blouses blanches des prêtres qui sont tendues vers la petite fille et on déduit que la petite étoile brodée sur sa robe pourrait être une croix. Nous sommes en Lituanie, un pays assidûment catholique. Mais il s’agit d’une illusion, une fausse interprétation, qui revient malgré tout chaque fois que l'on pense à cette image.
Un thème très personnel, un sujet récurrent chez Sutkus est celui de la Femme. Il a retrouvé dans ses archives toute une galerie des portraits où la femme est séductrice, belle, attirante, impossible à ignorer. « Les laides, je ne les photographiais pas », avoue Sutkus. Et on le constate bien dans les images, où les jeunes femmes, jupes courtes, longues jambes, crinières en l’air, marchent fièrement dans la rue, lisent sur les bancs de l'université, bronzent sur les tribunes des stades. Sutkus les attrape soit de loin, avec cette composition à la Rodchenko, où les corps se fondent dans la géométrie des rangées, soit de près, là où les filles semblent fondre sous le soleil et sous l’objectif du photographe, complices.
« Pour photographier les gens, il faut les aimer. J’ai arrêté de prendre des photos, dès que j’ai arrêté d'aimer les gens, quand le capitalisme est arrivé dans le pays, dès la libération de la Lituanie de l’invasion soviétique en 1991. On parlait, d’ailleurs, à l’époque de l’URSS, de créer un socialisme à visage humain. Aujourd’hui, il serait judicieux d’essayer de construire un capitalisme au visage humain ».
Dans ses photographies, Antanas Sutkus nous « tire vers le haut » avec des valeurs humanistes et un regard porté sur le monde, où le changement, grâce à la force intérieure de l’homme, est encore possible.