En collaboration avec FABRICA (Treviso, Italie)
La galerie RTR présente la première exposition personnelle de Margo Ovcharenko, avec sa série « Furieuse comme un enfant ». Le projet a été réalisé dans le cadre de la résidence de l’artiste à FABRICA (centre de recherches en communication du groupe Benetton), mais toutes les images ont été produites en Russie provinciale.
La série « Furieuse comme un enfant » comporte 70 images, dont une sélection est présentée à la galerie, accompagnée de courtes interviews de ses modèles, recueillies par Ovcharenko. Une mosaïque de clichés : des jeunes femmes encore enfants posant devant le photographe, les petites gymnastes saisies pendant leurs cours, les portraits sur les pierres tombales de femmes d’autrefois, des extraits de ses propres archives, renvoyant à des morceaux de réalité de l’artiste petite fille, habillée en gymnaste, et, enfin, quelques images tirées de revues pornographiques. « Mon désir est de ne pas vous donner un puzzle à reconstituer, dont le résultat est une image prédéfinie du mal ou du bien ». Ce sont plutôt des éléments de réflexion continue, des expériences personnelles et celles des autres, un assemblage de témoignages.
Ovcharenko se comporte en photographe. Ce qui l’intéresse dans cette posture, c’est « la combinaison étonnante de deux sentiments opposé, de honte et de frivolité ». Comment les personnes photographiées sur ces images pas parfaitement cadrées, créant l’effet touchant d’un jeu, arrivent à être fragiles et naïves, ouvertes et sincères à la fois.
Margo Ovcharenko se veut témoin concerné : elle-même a exercé la gymnastique dans son enfance, et elle décrit cette discipline esthétique, particulièrement cruelle pour les corps et les esprits, instrumentalisée pour manifester la puissance du régime soviétique. C’est sur les fragiles épaules de ces petites filles que repose la lourde tâche de représenter le pays au plus haut niveau.
Mais Margo est surtout une femme moderne qui perçoit implicitement que la vie est constituée de tensions naturelles et artificielles, de relations à construire et à maintenir, d’attitudes à afficher. Une perception qui concerne également les femmes d’autrefois, et se traduit même dans les photos accrochées à leurs pierres tombales. On sent dans ces portraits, l’impérieuse nécessité de se faire belle devant l’objectif, qui ne réussit pourtant pas à effacer le chagrin dans leurs yeux. Pourquoi ces belles fleurs féminines sont-elles soumises, brutalisées, brisées dès leur plus jeune âge ? Quelle est la tactique d’adaptation à ce monde à prendre ? Comment garder son intégrité et son âme, et ne pas finir, comme Anna Karénine ? Les femmes de Margo Ovcharenko se préparent à des situations de crise personnelles bien précocement, elles forgent leur caractère en adoptant des positions pleines de force, en prétendant être fragiles, en s’adaptant.
« Non, je ne veux pas être faible », dit l’une d’entre elles. A-t-elle un choix ?
// En confrontant les rituels de la danse et de la mort pour les femmes, la réflexion de Margo Ovcharenko est sociologique. Elle met à nu les mécanismes d’un système qui s’empare d’aspirations esthétiques (la grâce, la beauté, la perfection) pour assujettir l’individu. Le travail ici présenté ouvre donc une nouvelle branche de la carte mentale autour du thème //